M. Blocher, vous nous recevez dans un hôtel de Montreux. Que faites-vous ici?
Je passe quelques jours de relâche dans la région lémanique. J’en profite pour lire, me promener et dormir. Je viens de vivre une période éprouvante, entre mon travail de conseiller fédéral et la campagne électorale avec les attaques graves contre moi.
En repensant à ce qui s’est passé samedi dernier à Berne, vous ne vous dites pas que c ‘était irresponsable de votre part de participer au cortège de l’UDC?
Ce qui est dérangeant, c’est de rendre les victimes responsables! Des personnes, qui réclament la liberté d’opinion pour elles mais ne la respectent pas pour les autres prétendent - comme l’a fait M. Couchepin -, que c’était à nous de renoncer. Pour moi, dans une démocratie directe, il doit être possible qu’un ministre marche aux côtés du peuple à l’occasion d’une fête électorale bon enfant.
Mais pourquoi avoir maintenu votre volonté de défiler en ville, alors que vous étiez averti des risques?
Jusqu’au dernier moment, les autorités de la Ville de Berne ont affirmé que la sécurité du cortège pouvait être assurée, alors qu’elles étaient en possession des mêmes informations que mes services, à savoir que des extrémistes violents allaient être présents. Mais, voilà, ces autorités à majorité rouge-verte ont commis toutes les erreurs possibles. Elles ont mal évalué les risques, toléré une contre-manifestation qui n’était pas autorisée tout près de celle de l’UDC et se sont finalement montrées incapables d’assurer la sécurité de leurs citoyens.
Voulez-vous dire que des autorités de gauche n’ont pas fait tout ce qu’il fallait parce qu’il s’agissait de l’UDC?
J’ai en tout cas l’impression que quand il s’agit de l’UDC, la protection semble moins importante. Quand, par exemple, Mme Calmy-Rey a voulu fêter le 1er Août au Grütli, la sécurité a été mieux assurée… Mais, dans ce cas, les cantons ne sont pas rouges-verts !
On peut épiloguer longtemps sur les responsabilités, mais les dégâts sont là. Et l’image de la Suisse en souffre par votre faute aussi…
Toujours «votre faute... ». Il ne faut pas exagérer la portée de quelques articles de journaux dans la presse étrangère. J’en ai lu et ils contiennent de nombreuses erreurs. Mais il est normal que la Suisse soit compliquée à comprendre pour un étranger. Quand le New York Times cite la «présidente de la Suisse» qui critique la campagne «raciste» de l’UDC, comment voulez-vous qu’aux Etats-Unis, on comprenne que Mme Calmy-Rey représente surtout le Parti socialiste en cette période électorale? De plus, le rôle de président en Suisse n’a pas du tout le même poids chez nous que dans les autres pays.
Mais le climat de tensions que provoque votre parti est mauvais pour la stabilité de la Suisse et donc pour les affaires?
C’est l’opinion de nos adversaires ! Non, la stabilité de la Suisse repose d’abord sur la démocratie directe et non sur un parti ou un autre. Quant à la critique d’un pays xénophobe, il suffit d’expliquer que nous vivons en bonne entente avec plus de 20% d’étrangers et que nous ne connaissons aucun problème de ghettos, par exemple. Mes interlocuteurs s’en étonnent toujours à l’étranger. Et beaucoup de gens - y compris des pays qui nous entourent - rêvent de venir vivre et travailler en Suisse !
Si tout va bien avec les étrangers, pourquoi votre parti mène-t-il alors cette campagne des moutons noirs?
Il reste des problèmes à régler, comme celui du renvoi des étrangers criminels – les moutons noirs – et de leurs familles s’il le faut.
Pascal Couchepin ne voit pas du tout l’état de la Suisse comme vous. Cette semaine dans l’Hebdo, il a répété que l’UDC menace le système suisse et il a appelé à la création d’un grand parti du centre droit pour sauver le pays…
Cette fusion des radicaux et du PDC, c’est une vieille idée qui revient cycliquement. Mais, surtout, M. Couchepin sait bien que ce qu’il affirme est faux : Il sait bien que l’UDC ne menace pas le système suisse et qu’au contraire, il se bat pour les valeurs de notre pays, la démocratie directe et pour la concordance.
Comment expliquez-vous alors cette nouvelle attaque?
Ce sont les élections ! Et M. Couchepin est visiblement un peu nerveux parce qu’il se pourrait que le PDC dépasse les radicaux. Il a peur de perdre son siège au Conseil fédéral. Il commet une grande faute en croyant que c’est à cause de l’UDC que son parti perd. Il ne faut pas affaiblir l’UDC, il faut s’améliorer soi-même ! Ce serait plus utile...
C’est un des conseils que vous donnez dans un livre d’entretiens, «Le principe de Blocher», qui va paraître en français la semaine prochaine. D’où vous vient ce besoin de faire la leçon à tout le monde?
Ce n’est pas mon livre ni mon idée. Des journalistes sont venus me trouver pour savoir qu’elle est ma recette du succès, que ce soit en économie, en politique, en militaire, en culture ou même en famille. J’ai accepté de m’expliquer, mais je ne donne de leçon à personne… L’édition en allemand est un grand succès.
Dernière modification 14.10.2007