"Il faut arrêter de voir du racisme partout"

Le Matin, M. Jeannerat et F. Mushieddine
Le Matin: "A deux semaines de son élection, Christoph Blocher assure pouvoir représenter le gouvernment s'il accède à la présidence en 2009."

Pensez-vous être réélu le 12 décembre?
J’estime que ce sera du 50-50.

Là, vous jouez à vous faire peur!
Absolument pas. Je sais que l’UDC est pour la concordance et qu’elle réélira les autres conseillers fédéraux. Nous verrons bien si les partis qui gouvernent avec nous y tiennent aussi.

Vous menacez toujours de partir dans l’opposition en cas de non-réélection. Dans le fond, pourquoi aurait-on absolument besoin de l’UDC au gouvernement?
Ce n’est pas une menace, mais la conséquence du succès d’un parti qui récolte 29% des suffrages. Il s’agit de respecter la concordance. Nous bouter hors du Conseil fédéral signifierait un immense blocage pour le pays. Nous sommes prêts à gouverner avec les autres partis. Mais s’il faut faire une politique d’opposition, nous la mènerons de toutes nos forces.

Vous allez surtout au-devant d’une élection plus difficile: celle pour la vice-présidence et donc pour la présidence en 2009. Etes-vous inquiet qu’on vous conteste ce poste?
Je suis favorable au tournus et je ne vois pas pourquoi je ferais exception. Maintenant, si je ne devais pas être élu à la vice-présidence, cela ne serait pas dramatique. Je l’interpréterais comme un signe.

C’est-à-dire?
J’entends par là que je serais plus libre d’exprimer mes opinions.

Vous ne vous êtes pas vraiment gêné de le faire jusqu’à présent. Peut-on accepter d’un président de la Confédération qu’il parle des maux de ventre que lui donne la norme pénale contre le racisme, comme vous l’avez fait à Ankara?
A l’époque, j’ai exprimé l’intention de me pencher sur ce dossier qui rentrait dans les prérogatives de mon département. En tant que président, on doit représenter le Gouvernement et on doit respecter certaines limites quand on fait des propositions plus spécifiques.

Un Christoph Blocher qui n’exprimerait plus un avis personnel? On a un peu de peine à y croire.
Je suis capable de me taire. Tout en sachant qu’il ne faut pas être trop strict. Pendant son année de présidence, il est arrivé à Micheline Calmy-Rey de donner son opinion sur des questions de politique internationale. Et c’est normal. On ne peut pas non plus demander à une personne de cesser de penser, sous prétexte qu’elle devient président de la Confédération.

Un président, c’est aussi une autorité morale. Quel regard jetez-vous sur la dernière campagne des élections fédérales, menée sur fond d’insultes et de menaces de mort? Trouvez-vous cela acceptable?
Depuis que je suis dans la politique j’ai toujours subi de fortes attaques. Il suffit d’ouvrir les journaux pour constater que si quelqu’un est victime d’attaques sur sa personne, et non sur ses idées, c’est bien moi.

Ce qui est évident, puisque toute la communication de l’UDC tourne autour de votre personne. «Pour soutenir Christoph Blocher, votez UDC», ça n’est pas vraiment une idée politique.
C’est faux! Vous savez très bien que l’UDC a fait campagne sur des idées. Les affiches qui appelaient à me soutenir en votant UDC ont été faites en réactions aux attaques de mes adversaires depuis des années. Ils attaquent ma personne, parce qu’ils savent qu’une bonne partie de la population s’identifie à mon programme politique.

On voit aujourd’hui qu’au lieu de faire tout ce bruit, il aurait été plus sage d’attendre que la sous-commission chargée d’enquêter fasse son travail jusqu’au bout puisque, selon la presse dominicale alémanique, il semblerait que le Conseil fédéral s’apprête à vous blanchir aujourd’hui.
Sur le travail de la sous-commission je ne me prononce pas et, en outre, le Conseil fédéral n’a pas encore pris position.

Enfin vous ne pouvez tout de même pas nier qu’avec son ton provocateur, l’UDC pourrit le climat. Parler de moutons noirs alors qu’on est un parti soupçonné de racisme…
Cette affaire est ridicule! Les moutons noirs sont les étrangers criminels et personne d’autre. Si je vous dis «caisse noire» ou « liste noire », vous pensez tout de suite aux Africains? Les affiches sont faites pour provoquer, pour susciter le débat. Il faut arrêter de voir du racisme partout.

Et votre bilan personnel dans tout cela? Votre parti n’arrête pas de se plaindre de l’insécurité. La sécurité, c’est pourtant l’affaire de votre département.
La sécurité, c’est avant tout l’affaire des cantons. Et je pense avoir fait un important travail au niveau de la législation pour améliorer les conditions de sécurité de la population.

Laquelle?
J’ai déjà osé mettre un nom sur les problèmes de la délinquance des mineurs et celles des étrangers. Ensuite il y a eu le renforcement d’un certain nombre de normes pénales, la loi contre les hooligans, celles sur les étrangers et sur l’asile, le code de procédure pénale et la procédure pénale applicable aux mineurs, pour ne citer qu’eux.

Donc le temps pour vous de passer à un autre département?
Je n’ai jamais caché que les défis m’intéressent. Notamment les questions du financement de l’AVS, de l’AI, de l’assurance chômage, de l’assurance maladie. Mais il n’y a pas que ça. Le plus grand défi qui attend la Suisse ces prochaines années, c’est la baisse de la conjoncture et la diminution des places de travail. La Suisse a accueilli beaucoup d’étrangers en haute conjoncture. Qu’est-ce qu’on va faire de tous ces gens qui n’auront plus de travail? Pour moi, il faut créer un département social qui réunit le chômage, l’assurance invalidité, l’AVS, la migration et l’aide sociale en général. Mais pour l’instant, le Conseil fédéral ne s’est pas décidé à créer un tel département.


A quoi ressemblera le gouvernement après le 12 décembre, à sept personnes qui se tirent dans les pattes?
Il faut arrêter de fantasmer sur l’ambiance au Conseil fédéral. Elle y est excellente. Rendre nos séances publiques permettrait de s’en rendre compte.

Une ambiance excellente? Ça n’est pas l’image que le Conseil fédéral donne de lui-même.
C’est parce qu’on se permet juste de débattre. A l’époque, tout était plus feutré, mais les vacheries pleuvaient sous la table, par-derrière. Il y avait beaucoup de souffrances. On sait que les conseillers fédéraux Ogi et Stich se détestaient, mais on n’en parlait simplement pas. Dans le fond, tout cela était très hypocrite. Aujourd’hui, au Conseil fédéral, on cherche des solutions, des compromis, ouvertement.

Dernière modification 28.11.2007

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